La définition du travail fait l’objet de moult interprétations. La seule considération à en faire une fin ou un moyen engendre de grands débats.
Une des premières valeurs du travail : le lien social qu’il génère.
En cette période de grandes interrogations face au néolibéralisme toujours plus puissant, au pompage sans limite de la planète… beaucoup comprennent que l’abondance matérielle n’écarte pas le vide humain, affectif ou encore spirituel. Or notre société a grandi et grandit encore avec la référence « nécessaire » de la richesse du PIB, au point d’avoir totalement confondu quantité… et qualité. Le « toujours plus » est un leurre, et même le symbole d’une perte de sens.
Par exemple, la notion de performance (faire toujours plus vite) multiplie sans fin les moyens de communication au point que l’isolement continue de se développer et de conduire vers une solitude.
Une entreprise « citoyenne » ne peut accepter ce seul principe de la richesse matérielle. Elle ne peut pas non plus se contenter de promouvoir des démarches de qualité au travail, facilitant finalement le maquillage d’une « meilleure » production. Il n’y a pas d’entreprise d’excellence sans un environnement d’excellence, c’est-à-dire dans lequel chacun puise un équilibre de qualité et d’épanouissement. Pour être heureux, l’Homme doit s’épanouir au travail et réciproquement : le bonheur est indissociable.
La solitude, un contresens au sens de la vie
De fait, l’Homme se construit dans le lien social. Et la plupart de nos désespoirs provient de nos solitudes : celle du travail quand il ne permet plus de percevoir une globalité, celle du chômage quand on est exclu de la relation d’emploi, celle des ménages, de plus en plus nombreux, à compter une personne seule, celle du numérique construisant une hyper dépendance pour donner l’illusion de la relation, celle des retraités dont les trois-quarts déclarent n’avoir aucune activité sociale, celle du télétravail quand on n’a même plus la possibilité d’être ensemble…
Coller des millions de personnes devant un écran, une télé ou un chat n’apporte aucune réponse à notre besoin profond de relation. Notre vie personnelle, familiale et professionnelle a besoin de se réaliser dans des lieux de reconnaissance mutuelle, au travers de partages de projets. Aussi simpliste que cela puisse paraître, notre travail commence à produire du social, dès lors qu’il représente une socialisation, par le plaisir et la création de liens. Encore faut-il en prendre ce temps.
Un temps-mort est un plaisir qui crée du sens.
On se souvient des conséquences liées à la fracture économique des 35 heures ; beaucoup de travailleurs, dans les grandes entreprises ont pu bénéficier de ces réductions pendant que les plus petits, et notamment les indépendants, les artisans, les commerçants, les entreprises familiales sont devenus les oubliés de la Réduction du Temps de Travail. Cette cassure a bousculé la valeur du travail. Mais une seconde fracture est apparue depuis, entre ceux qui prennent du plaisir au travail et ceux qui en souffrent dans le stress, surtout lorsque l’on se parle de moins en moins. Nous travaillons « moins », mais le rythme est intensément plus dense, plus rapide, plus oppréssant.
Curieusement, environ 40 % des travailleurs à temps partiel aimeraient passer à temps plein, mais le nombre de ceux qui sont à temps plein et préfèreraient bénéficier du temps partiel est deux fois plus important. Dans de nombreuses entreprises, comme la grande distribution par exemple, les temps de pause sont comptabilisés à la minute près (3 minutes par heure) ! On hésite à considérer ceci comme du ridicule ou comme une démesure…
Le seul critère de rentabilité ne concède donc plus aucune place au temps-mort et supprime la chaleur humaine. Ainsi, le travail se réalise au détriment du lien social avec les collègues, mais aussi avec les clients et les fournisseurs.
Cette question du lien est mise en avant par la plupart des entrepreneurs indépendants en coopérative d’activités et d’emploi ; ils revendiquent ce choix (et cette chance) de pouvoir travailler à leur rythme, variable selon leurs besoins, écartant les marches au pas cadencé. Ils entendent respecter ainsi leur choix de vie.
Les biens ne valent que par les liens qu’ils créent !
En produisant des biens ou des services, on produit d’abord du lien social et dans la production matérielle l’objet porte la personne qui l’émet. Le produit est un langage. La polysémie du mot « bien » est aussi frappante que celle du mot « valeur ». Il y a le Bien opposé au Mal, il y a le bien-être qui est proche du bonheur, on peut aussi être « bien » avec quelqu’un. C’est donc le même mot qui désigne la relation avec les autres et l’ensemble des objets matériels qui souvent ne sont qu’un prétexte à cette relation.
Ainsi, on n’existe que dans la relation à l’autre. Il faut du temps pour comprendre que la recherche des biens et du pouvoir n’est qu’un prétexte aux liens et à la reconnaissance. La valeur du travail réside dans les liens qui naissent de la production, de l’échange et de la consommation de biens. Et la seule production de biens qui n’est pas porteuse de liens devient vide de sens.
Placer un critère social à notre travail
Fort de cette vision, notre vigilance doit porter essentiellement sur le social que nous parvenons à vivre dans notre mission professionnelle. Les notions de démocratie dans l’économie sont porteuses de ce sens. Comment le travail peut-il devenir, avant toute chose, une relation humaine par le dialogue et la coopération ? Pas étonnant que les coopératives aient actuellement le vent en poupe. En plein dans cette crise sanitaire, elles résistent par leurs principes de partage, de mutualisation et de dialogue entre les acteurs ; elles replacent le travail à sa place, sans le poids exclusif du capital. Ainsi, pour renforcer ce lien social, l’économie de l’entreprise doit devenir démocratique.
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