Quid de la valorisation du travail et de l’emploi ?
Depuis très longtemps, il est admis, de manière quasiment « naturelle », que la finalité de l’entreprise est la recherche du profit au sens de revenu des actionnaires ou des associés considérés classiquement comme les propriétaires. Or, si l’on reste enfermé dans ce cadre institutionnel imposé par la représentation juridique et comptable dominante des détenteurs de capitaux, aucune solution opératoire susceptible de valoriser le travail et l’emploi n’est concevable. Au sein de Pollen, et dans les principes de l’Economie Sociale et Solidaire, beaucoup de nos entrepreneurs trouvent un équilibre de vie satisfaisant entre qualité de vie, temps de travail et salaire. Certains préfèrent travailler moins, gagner moins, mais se réaliser dans leurs objectifs de vie, que ce soit sur le plan familial, social, éthique. Et d’autres peuvent développer leur activité autant qu’ils le souhaitent au sein d’un cadre collectif rassurant.
C’est aussi pour cette raison qu’une Coopérative d’Activité et d’Entrepreneurs peut paraître décalée, car la grande majorité des observateurs et des agents ont naturalisé et intériorisé les modèles théorico-politiques dominants de l’entreprise comme par exemple la « relation d’agence ». Ils considèrent de manière quasi unanime que l’identité de la personne morale est celle du « groupement des investisseurs » (les associés ou les actionnaires), ayant pour moyen la « firme », pour perspective le profit qu’ils espèrent se partager, et pour états comptables un compte de résultat et un bilan d’investisseurs. Cette approche conduit à la situation économique et sociale actuelle dans laquelle l’entreprise, conçue comme structure productive, n’existe pas, ce qui donne tous les pouvoirs aux détenteurs de capitaux à la recherche du seul optimum financier. Cette conception, déjà ancienne, a été reprise et accentuée dans les années 1980-90 par la dérèglementation du commerce des biens et des services, par la dérégulation financière et par la mise en place de la corporate governance (gouvernement d’entreprise).
Les normes étouffent l’humain pour servir la seule performance
Depuis plus de trois décennies en effet, c’est le marché financier qui oriente directement les normes d’efficacité et de performance à atteindre dans les grandes sociétés, mais aussi chez leurs sous-traitants (en cascade), au travers des normes de certification et par la mise en œuvre du flux tendu. Les directions financières fixent les directives aux directions opérationnelles en les sanctionnant si elles ne les respectent pas. Ces normes pénètrent jusque dans les ateliers et les bureaux par l’utilisation de systèmes informatiques et par l’action de l’encadrement intermédiaire et de proximité, en imposant des objectifs de performance sous contrainte financière. Les normes de rentabilité se sont construites au plan mondial avec des exigences qui ont souvent dépassé 15 %. Ainsi, les indicateurs prévalant sur les marchés et ne cherchant que des objectifs de rentabilité financière sont l’expression directe de conventions imposées par les détenteurs de capitaux. La montée de la corporate governance accentue l’idée selon laquelle l’entreprise appartiendrait exclusivement aux actionnaires de contrôle et aux propriétaires dont les dirigeants ne seraient alors que de simples mandataires qui exécutent leurs décisions. Les notions de productivité, de compétitivité ou de performance s’expriment dans des critères et des outils dont l’objectif premier est de mettre en valeur le patrimoine des détenteurs de capitaux. Il en est ainsi de l’EVA (economic value added) qui représente le résultat économique de la société après rémunération de l’ensemble des capitaux investis, endettement et fonds propres. Avec cette nouvelle approche, il ne suffit plus de faire du profit pour créer de la valeur. Il faut en gagner plus que ce qui est offert par le marché pour un même « niveau de risque ». La pression est mise sur la contraction des investissements et des actifs économiques pour maximiser la rentabilité financière.
Et les entreprises cotées en bourse imposent leur vue de l’esprit
Il est à noter que les petites et moyennes sociétés non cotées en bourse sont souvent affectées par la logique de ce capitalisme actionnarial, en raison des liens financiers (participations) ou industriels (sous-traitance) qu’elles entretiennent avec les grandes sociétés cotées. La « valeur pour l’actionnaire » reste une vision politique de l’entreprise qui légitime la domination des intérêts d’une catégorie au détriment des autres parties constitutives. Cette approche de l’efficacité relève de la rentabilité financière, c’est-à-dire de la recherche d’un optimum financier non réductible à une performance économique et sociale.
L’objectif des PME indépendantes est différent. Il consiste pour l’essentiel à obtenir un revenu susceptible d’assurer leur pérennité et plus prosaïquement de parvenir à équilibrer leurs comptes.
Pour des travailleurs indépendants, l’objectif est le même que pour les PME, mais il est souvent associé à une démarche beaucoup plus forte : sortir de ces mécanismes aliénant de l’hyper performance qui va jusqu’à renier l’Humain. Depuis 20 ans, c’est un modèle économique différent que propose Pollen, un modèle qui part de l’équilibre et du projet individuel, soutenu par le collectif solidaire. En fait, les associés sont attentifs à une richesse beaucoup plus puissante à leur égard, celle du sens de leur vie. Beaucoup de nos entrepreneurs préfèrent travailler moins, gagner moins, mais se réaliser dans leurs objectifs de vie, que ce soit sur le plan familial, social, éthique.
C’est cette cause que Pollen est fière de défendre depuis 20 ans !