Accueil > Le syndrome du “bore-out” ou l’ennui au travail. Comment retrouver du sens ?

Le syndrome du “bore-out” ou l’ennui au travail. Comment retrouver du sens ?

Indépendamment de la crise sanitaire, une large proportion de la population française, 63%, indique s’ennuyer au travail (Etude auprès de 4,5 millions de salariés – Qapa – 2019). Cette réalité est impressionnante, d’autant que ses conséquences sur la santé ne sont pas neutres ; dans les Risques Psychosociaux (RPS) le bore-out est de plus en plus repéré comme une pathologie développée par un sentiment d’inutilité ou encore de missions n’ayant que peu d’intérêt. En ce sens, il s’oppose au burn-out, mais est tout autant un fléau. Alors que l’épanouissement professionnel est important pour l’individu, notamment autour de sa dimension sociale, la perte de sens s’inscrit comme une violente rupture ; c’est aussi un vif retournement face au culte de la performance qui nous fait courir comme des fous, sans même savoir après quoi on court !

Comment l’ennui s’installe-t-il dans notre quotidien ?

Les origines de l’ennui sont nombreuses et ne se cristallisent pas seulement sur le fait de n’avoir rien à faire. Ou tout au moins, elles nous amènent à saisir clairement ce “rien” à faire. De fait, il peut s’agir de tâches peu nombreuses, mais aussi et surtout d’actions à conduire, perçues comme inutiles, répétitives, incompréhensibles voire contreproductives… Et ces facteurs d’ennui professionnel sont nombreux.

Dans les conditions conjoncturelles de l’emploi et de l’économie, beaucoup se résignent à un travail alimentaire, une forme de compromis, en attendant mieux ou en faisant face à une réponse urgente et occasionnelle (perte d’emploi…). Résultat, la fréquente surqualification pour le poste ou même les décalages de compétences sont carrément perturbateurs et bouleversants.

Dans le même esprit, les améliorations technologiques produisent un contre-sens. On pense évidemment au numérique, facilitant à ses débuts jusqu’à en devenir écrasant aujourd’hui. Beaucoup de salariés évoquent le fait de devenir soumis aux logiciels qui effectuent désormais le travail à leur place ; le principal enjeu devient désormais de retenir ses identifiants et ses mots de passe à modifier tous les 15 jours…

Parfois, c’est aussi la santé financière de l’entreprise qui, lorsqu’elle est mise à mal, engendre la baisse d’activité ou d’intensité. De même, la crise sanitaire de la Covid a largement démontré quelle onde de choc les salariés peuvent subir avec une mise à l’arrêt, une activité partielle, un travail “non essentiel” ou même un télétravail à plein temps…
L’isolement, la perte de relation avec les collègues et même l’absence de lien direct avec le management engendrent des pertes de stimulation et des manques de reconnaissance professionnelle. Et c’est ainsi que s’amplifie le manque de motivation.

Attention à la perception d’un ennui qui deviendrait épuisant.

Lorsque l’on commence à vivre le doute, lorsque l’on se pose des questions sur sa propre valeur aux yeux des autres et, pire, à ses propres yeux, c’est la perte d’estime de soi qui effectue son entrée. C’est l’un des signes majeurs du bore-out qui ne tardera pas à se compléter du sentiment de gène, de honte et de culpabilité.

D’ailleurs, ce sentiment est très pervers, car la gène s’échafaude la plupart du temps autour du fait qu’ayant un travail, il est très malvenu de se plaindre. Devant des collègues ou des proches qui connaissent le chômage, devant des amis qui sont entrepreneur.e.s et surchargés de travail, il parait provoquant d’évoquer une telle angoisse professionnelle. Ce serait prendre le risque de ne pas être compris ou, au contraire, d’être mal jugé.
En France, selon cette même étude de Qapa, plus de 89% des femmes et 91% des hommes avouent cacher leur ennui au travail. 62% déclarent même faire semblant d’avoir une activité passionnante.

Evidemment, cette honte, qui affecte la dignité, s’étend dans la sphère privée : la tristesse, l’anxiété, la frustration ne sont pas d’autres symptômes que ceux de la dépression avec ce qu’elle peut avoir de pire quand elle devient un désespoir !

Indubitablement, le bore-out est encore une conséquence de l’esclavage moderne, quand la satisfaction au travail et la quête de sens ne sont plus de réelles priorités.

Qu’est-ce qu’un travail qui a du sens ?

Chaque année, nous passons en moyenne 1472 heures à travailler selon l’OCDE. Aujourd’hui le travail occupe donc une place importante dans nos vies, on y recherche naturellement une source d’épanouissement. C’est encore plus vrai pour les jeunes générations qui ont clairement associé leur vie au sens de ce qu’elle apporte ; ils seront de plus en plus nombreux à résister fermement devant un travail ou une mission qui ne les projète pas dans l’intérêt ou la passion.

Par ailleurs, une majorité de cadres jugent “très important” d’exercer un métier qui a du sens et jugent fondamental de se sentir utiles à l’entreprise. Les managers ne peuvent plus nier ces notions dans leur conduite d’équipe et de projet s’ils ne veulent pas être confrontés à des résistances ou un profond turn-over. Il faut donner du sens et le sens au travail recouvre trois dimensions déterminantes :

  • Une dimension émotionnelle : le fait de ressentir au travail davantage d’affects positifs que négatifs.
  • Une dimension cognitive : la satisfaction procurée par le contenu des missions, le développement des compétences et l’impact des actions.
  • Une dimension aspirationnelle : le sentiment de contribuer et d’adhérer à un projet global d’entreprise.

Passer ses journées à “tuer le temps” est donc souvent symptomatique d’une carence en bien-être des salariés, mais surtout d’une crise de sens.

Travailler pourquoi, pour qui, pour quoi ?

Ce n’est ps un hasard si le statut d’auto-entrepreneur se développe autant. En lien avec toutes les aspirations modernes, bonnes ou mauvaises, du développement personnel, la question du projet professionnel autonome parait une solution merveilleuse : “Je sais pour quoi et pourquoi je me bats, je suis au centre de mon travail et j’en développe la maîtrise.

Il y a beaucoup d’illusion dans cette perception idéalisée du travailleur indépendant : l’isolement peut revenir très vite ; la réussite des auto-entrepreneurs, dans la durée, n’apporte pas, dans deux tiers des cas, la réponse attendue ; la confrontation à certaines difficultés ou carences réveillent à nouveau le sentiment de honte ; le fait de devenir libre entraine plus souvent qu’on ne le pense des formes de procrastination.

C’est une situation que les Coopératives d’Activité et d’Entrepreneurs (CAE) connaissent bien : elles accueillent justement des porteurs de projets qui désirent mener leur barque en qualité d’entrepreneur.e et qui vont bénéficier d’un riche accompagnement, visant à donner de la structure, du conseil et du lien social. Le statut d’entrepreneur-salarié assure à la fois cette liberté de travailler son projet (et d’y apporter du sens) à son propre rythme, tout en conservant une sécurité sur le plan social et stratégique.

Pas étonnant que l’Economie Sociale et Solidaire est tant le vent en poupe actuellement ! Et Pollen est particulièrement fière de conduire un tel projet !