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Tous travailleurs indépendants en 2030 ?

Paradoxe des paradoxes, le chômage en France diminue, les efforts pour l’emploi se poursuivent pendant que l’intelligence artificielle laisse envisager la disparition du travail salarié. Dans le même temps, les entreprises sont bousculées par la valse de leurs salariés, lesquels sont de plus en plus nombreux à avoir besoin de changer de métier, de région, d’expérience ou même de statut en prenant l’autonomie de l’entrepreneur. Et cette réalité s’accroit avec les nouvelles générations.

Selon l’Observatoire Alptis (sur la protection sociale) de nombreux analystes et media affirment avec certitude que « demain, la très grande majorité des Français travailleront à leur compte, multipliant les contrats avec des entreprises ou des particuliers, voire changeant d’activité au gré de leurs envies et des opportunités ». De fait, le nombre de travailleurs indépendants a augmenté de 25 % depuis 2003 dans l’Hexagone, soit 10 fois plus vite que la population salariée. D’autres bureaux d’études perçoivent ce mouvement avec davantage de réserves, considérant que le non-salariat ne représenterait que 13 % à 14 % de l’emploi en 2030, contre 11,5 % aujourd’hui.

Le monde du travail est sur une énorme vague de transformation : il faut se tenir debout, dans un équilibre résistant, sans savoir précisément où l’on peut (où l’on veut) arriver. Quelles sont les hypothèses possibles à envisager ? Quelles sont les hypothèses qui se confirment déjà, toute ou en partie ? Comment sortir la tête de l’eau face à cette vague géante ?

HYPOTHESE 1 – L’entreprise reste reine et le salarié, prolétaire !

Face à une économie assez fragile, les entreprises focalisent principalement sur leur rentabilité à court terme ; elles accroissent la pression sur la productivité des salariés tout en réalisant une réduction maximale ou optimale des coûts… De ce fait, un maximum d’embauches s’effectue en CDD, par missions de temps partiel ou d’intérim…

Ces conditions contribuent largement au désengagement des salariés qui ne perçoivent plus ni horizon, ni sens et surfent sur toute opportunité d’un monde meilleur. En toute logique, le statut d’indépendant se déploie, avant tout pour sortir d’un système dans lequel on n’a plus foi.

Actuellement, ce sont les personnes les plus qualifiées qui bénéficient de ces ouvertures, sachant que la couverture sociale des indépendants est encore très hétéroclite et continue de réserver des surprises âpres.

HYPOTHESE 2 – Subir l’indépendance

On peut également imaginer que la création d’emploi continue de décroître, notamment par les prouesses de l’Intelligence Artificielle (IA) et la numérisation à outrance… Les seuls CDI seraient davantage dévolus à une population qualifiée, bénéficiant d’une stabilité d’emploi face à une autre population, grandissante et conjuguant avec la précarité de l’emploi, le chômage…

Dans cette hypothèse, les pouvoirs publics seraient amenés à soutenir le travail indépendant pour rendre au marché sa flexibilité. Peut-on craindre qu’il aboutisse à un contrat de travail à « zéro heure » : le travailleur qui le signe s’engage à être disponible pour un employeur pendant une durée donnée, mais ne sait pas à l’avance combien d’heures il travaillera et donc quel revenu il touchera. Les plateformes de l’ubérisation ont entamé cette approche et les limites de la protection sociale sont déjà là, toujours plus difficile pour les moins aisés.

HYPOTHESE 3 – Le nomadisme des entrepreneurs

Aujourd’hui, un jeune entrant dans la vie professionnelle connaîtra statistiquement 7 à 9 entreprises différentes dans sa carrière, là où ses propres parents et grands-parents réalisaient leur fierté sociale par la montée hiérarchique, au mérite, au sein de la seule et même entreprise. « Déçus par les conditions de travail offertes par les entreprises, de plus en plus de jeunes qualifiés choisissent de lancer leur propre activité » explique Alptis. Le coworking fleurit dans toutes les villes, les tiers-lieux se veulent être des carrefours de mixité sociale et d’innovation… Mais une fois encore, les moins qualifiés ne surnagent pas dans ce système. Leur niveau de rémunération devient très aléatoire, tout autant que leur stabilité. Du reste, le principe même du nomadisme est déjà installé : le monde tellement aléatoire du travail a fait naître l’agilité… et l’agilité commence par ne plus s’attacher à ses racines… CQFD

HYPOTHESE 4 – A chacun de bâtir son schéma de travail

La consommation en circuit-court, échappant aux lois du marketing absolu et, s’appuyant sur une production plus respectueuse de l’environnement, elle parvient lentement à faire jour. Elle imprègne les modes de pensée non plus comme une simple mode mais comme une nécessité qui recrée du collectif et qui, du coup, fait sens. Il s’agirait alors d’un mode de consommation plus personnalisé et ancré dans le local. Pour faire face au déclin du Service public, le service à la personne prend le pas dans la santé, l’accompagnement personnel, le transport, la production maraichère, la construction, la distribution… Un statut unique du travail est créé, avec des droits relatifs à une personne et non à un statut. Les salariés peuvent cumuler à la fois leurs activités au sein de leur entreprise et leurs missions en indépendant. Cette grande flexibilité a toutefois des limites et la pluriactivité peut mener à une lourde charge de travail. La fusion entre tous les régimes de protection sociale est totale.

Difficile de savoir quelle hypothèse sera la plus aboutie en 2030 ! Un peu de toutes ? Connaitre ses hypothèses nous conduit simplement à ouvrir les yeux pour ne pas subir l’écueil. En ce sens, les coopératives d’activités et d’emploi offrent une alternative intéressante en faisant se côtoyer le statut d’entrepreneur indépendant avec celui de salarié, dans un contrat de travail CESA (Contrat Entrepreneur Salarié Associé) ; de plus les principes coopératifs portent naturellement le « faire ensemble de proximité », ce qui, précisément, fait sens. A suivre.

Publié le 28 Février 2020